Tous les jours.
Chaque jour que Dieu fait.
Des fois même deux fois par jour.
Le voilà qui arrive, guillerettement mais pas vite.
Il arbore son plus beau sourire, à chaque fois. Pas qu'il soit content de nous voir, non. Mais il n'a jamais appris à tirer la gueule. C'est dans sa culture, dans son éducation, dans sa vie.
Il vient de là-bas, très loin, où la guerre fait rage et où des familles entières sont décimées en un clin d'oeil et où le simple paquet de pâtes coûte la peau du troufion.
Il est arrivé ici il y a longtemps, dans l'espoir de gagner suffisamment d'argent pour nourrir sa famille. Il n'a pas très bien réussi à apprendre le français. Mais il se débrouille en italien. Il a réussi à se faire engager comme homme à tout faire. Il passait beaucoup de temps à vider les cendriers et à balayer la cour.
Il s'habille mal. Un vieux manteau tout pelé, beige. Une vieille veste de costume récupérée au puces où les mites vivent un vrai nirvana. De vieilles chaussures moisies et des sous-vêtements qu'il aura sans doute lavé la dernière fois qu'il aura pris un bain dans ce centre pour sans-abris.
Il a tout perdu.
Il s'est fait choper.
Pas bien de voler dans la caisse de son employeur.
Il a touché le chômage, un peu. Quand il a atteint l'âge de la retraite, le pays lui a gentiment demandé de retourner chez lui.
Fin 2008, tout le monde le pensait parti, pour de bon. Il n'a rien dû trouver de bien là-bas puisque 3 mois après, il est revenu.
Pour le grand malheur de tout le monde.
Parce que, le pauvre homme, autant à plaindre soit-il, autant à prendre en pitié soit-il, autant de charité chrétienne inspirerait-il... autant chiant il est.
Tous les jours il arrive à la réception, pour prendre son repas à la cantine, toujours une demi-heure en avance.
Demi-heure qu'il s'évertue à occuper en harcelant les gens alentours, de passage, les bienheureux, ils peuvent fuir, contrairement à nous, coincés.
Chaque midi il demande après mon chef, italophone, le pauvre, il endure.
Chaque fois, la même rengaine : "Boooonnnneeeyyyyououourrrrr" (r roulé).
On le voit arriver, on sent ses intestins faire du houla-hoop dans sa cavité abdominale.
Bon, soyons prêts.
On se lève, on ouvre la fenêtre coulissante.
Oui, c'est ça, bonneyour à toi aussi.
Oui, t'as bien raison, aujourd'hui c'est mercredi.
Ah ben ouais, c'est clair, demain, c'est jeudi.
Ah oui ? Hier c'était mardi ? T'es sûr ?
Merci, bonne appéttitto à touaaa ooooosssi avvééééé touttte la faamillllllya !
Oui, il est là mon chef.
Oui, il est là, dans son bureau.
BORDEL OUI J'TE DIS ! Il est là ton frrrrrrratteeeelllloooooooooo.
Non, mon collègue travaille pas aujourd'hui.
Eh oui, sééééééé llllaaaaaaa viiiiiiiiiiiiiie, sé nooooourmmâââââââl.
A midi. Le soir. Chaque jour de la semaine. Invariablement.
Alors qu'on me pardonne lorsque je me cache derrière l'écran et que je beugle un
J'AI PAS LE TEMPS, J'AI BEAUCOUP DE TRRAAVAILLEUH !
Comme je te plains... Je vois tout à fait de quel type de personnage il peut s'agir... Pauvre de toi...t'es mal barrée. Après le jeu c'est de se refiler le bébé :p
RépondreSupprimerTiens nous c'était Vladimir pour faire la vaisselle^^ mais sa femme a été mutée dans le sud de la France.....et lorsqu'il l'a rejoint et bien....qui va à la chasse comme on dit....alors lui aussi est de retour mais dans une autre boutique;)
RépondreSupprimerVal : Le problème, c'est le refiler à qui ? C'est comme la cafetière :p
RépondreSupprimerPrincesse P : On a tous notre bête noire... Ce qui est bien, c'est que chaque jour on élabore des mesures d'évitement. Ca entraîne l'esprit :D